"C'EST ICI QU'ILS SE RASSEMBLAIENT"

                      Histoire à Tsiigehtchic, T.N.-O.

                         (transcription textuelle)


              Capsule patrimoniale de la vallée du Mackenzie


                Montage et direction: Lori J. Schroeder
                Rédaction et production: Jean-Luc Pilon


Une production vidéo du Musée canadien des Civilisations, Hull, Québec.
Février 1996



(Annie Norbert): "Corneille est bonne à rien tu sais. Dans le bon vieux 
temps, tous les animaux étaient des êtres humains, des hommes, euh!, et des 
femmes. Et Corneille aime duper les gens. On a essayé de l'en corriger, tu 
sais. Le matin, tu dis "Corneille te rend fou". Ils font bruit, euh, ils 
sont tannés de l'entendre crier tout le temps et ils s'emparèrent de sa 
mâchoire. À ce moment, ce radeau descendait, c'est supposé être des gens 
qui descendent la Rouge, encore plus de gens. Et ils pensent que c'est un 
vrai radeau et tout le monde pousse des cris. Cette vieille femme, vieille 
femme aveugle en plus, avait la garde de ce machin-là. Tout le monde 
s'affairait à se rassembler sur la rive pour accueillir les gens mais il 
n'y avait pas de gens, c'était Corneille, c'était sa plaisanterie. Cette 
vieille femme dit "Ouais, j'sais pas où mettre cette mâchoire?" "Donne-la 
moi!" elle dit "Donne-la moi!". Eh ben elle, elle est aveugle, où elle 
entend du bruit, elle lui donne. C'était Corneille. Elle, elle joue des 
tours." 

(Narrateur): "Tsiigehtchic est une petite communauté athapaskane des 
Territoires du Nord-Ouest comprenant une population de moins de 150 
personnes. Ce village est le berceau des Gwichya Gwich'in dont le 
territoire traditionnel se trouvait dans les vallées du bas Mackenzie et 
de la rivière Rouge de l'Arctique. 

La communauté actuelle n'est pas vieille. C'est seulement du vivant de ses 
aînés que les gens sont venus vivre de façon permanente ici ou à toute 
autre localité."

"Autrefois, les Gwich'in occupaient annuellement plusieurs camps dispersés 
sur leur territoire traditionnel. Quoique l'établissement permanent datent 
du début du siècle, l'usage des basses terres au pied du village pour un 
campement saisonnier est beaucoup plus ancien." 

"Les recherches archéologiques entreprises par Luc Nolin, du Musée 
canadien des civilisations, ont mis au jour un gisement dont l'occupation 
s'est échelonnée sur une période de 1400 ans. Cette occupation a 
probablement duré même plus longtemps, mais le pergélisol et l'érosion par 
la rivière ont gardé cette information hors d'atteinte." 

(Luc Nolin): "Pendant deux étés, nous avons patiemment, lentement et 
minutieusement décapé les couches de débris qui s'étaient accumulées au 
cours des siècles. C'était le rêve d'un archéologue. Les objets se 
trouvaient dans de minces bandes de terre noire, empilées les unes sur
les autres. Heureusement, des couches épaisses de limons emportés par la 
rivière les avaient séparées. On pouvait donc facilement distinguer chaque 
épisode d'occupation et étudier les différences entre elles.." 

"Un très petite partie du site est encore intacte; on m'a dit que la 
rivière avaient emporté de grandes sections des basses terres." 

(Gabe Andre): "Autrefois, il y avait un camp de pêche ici. Il n'était pas 
question de penser à une ville, pas un établissement de ce genre. Et les 
gens avaient l'habitude de camper sur les terres basses, et tu sais où est 
le chemin, c'est là que commençait la végétation. Ce côté-là était rien 
que des buissons. Mais de la route vers ce côté-ci c'était ... tout coupé. 
Tout avait été rasé. C'est ce que tu vois là entre le lac et la berge de 
la rivière, exactement par là étaient les entrepôts de la Baie d'Hudson et 
c'est exactement là, la route passe par-dessus maintenant. Et l'entrepôt 
de la police aussi, l'entrepôt de la Gendarmerie royale  et alors un peu 
plus par là voici une autre maison aussi, la maison du vieux Ts'ideh'tii, 
du vieux Modeste. Et par là vers la rivière, il y beaucoup de place. Et le 
campement, les gens avaient l'habitude de camper là, le bon vieux
Ahdree kanh, euh" ... j'sais sais pas, prit longtemps pour commencer à 
construire des maisons." 

(Luc Nolin): "Nos recherches démontrent que la pêche a toujours été une 
activité très importante dans la vie des gens qui campaient sur les basses 
terres, mais ils chassaient aussi du gibier de différentes espèces. Ils 
taillaient des outils en pierre et ils façonnaient des instruments en os 
ainsi que des récipients en écorce de bouleau. Dans la plupart des cas, on 
trouve des témoignages d'activités autour des foyers. Comme nos cuisines 
aujourd'hui, les gens étaient, bien sûr, attirés par la chaleur du feu, 
mais aussi par le réconfort de la part des gens qui s'y rassemblaient." 

(Caroline Andre): "Je sais qu'ils, il y a bien longtemps c'est là, euh, 
que les gens avaient l'habitude de s'installer, euh, et que les Esquimaux 
quand ils venaient, c'est la seule place qu'ils s'installaient, sur les 
terres basses, euh, et l'été c'est là que tout le monde avait l'habitude 
de s'installer. C'était plein de tentes par là. Ils s'installaient là 
simplement, plusieurs juste pour rien. Plusieurs, ils n'avaient pas de 
place où résider en haut ici. Pas de maison, des jours-là aussi je suppose 
parce qu'ils vont dans la forêt en hiver et tout l'été ils se rassemblent 
en bas sur les terres basses et plusieurs font sécher le poisson, et 
plusieurs restent là pour rien, pour vivre dans une tente. Tu sais, je 
vivais là moi aussi." 

(Bob Norman): "Ils restent tous dans des tentes là, beaucoup de tentes là! 
C'est là qu'en été ils se rassemblent. Beaucoup de gens se rassemblent, 
dansent et dansent en cercle. Et là ils s'adonnent à des jeux, ils 
appellent "jeux de mains". Ouais, j'vu çà aussi! Jeux de mains. Avec des 
bâtons, eh? Ils avaient quelque chose dans leur main... essaye de deviner 
quel côté..."

(Narrateur): "On prend souvent pour acquises des choses ordinaires ou des 
places usuelles. Mais des histoires fascinantes sont littéralement cachées 
juste sous la surface.  

Même si des fragments de l'histoire de Tsiigehtchic peuvent se trouver 
dans des livres, les riches détails de la vie ne sont connus que des 
aînés. Sous le gazon, dans le sol gelé, les outils confirment et apportent 
un complément à cette information." 

"À Tsiigehtchic, les archéologues et les aînés ont combiné leurs efforts 
pour sauvegarder cette histoire pour les générations futures." 

(Hyacinthe Andre): "... très près de l'eau. Juste là, tu trouves l'écorce
 de bouleau, le canot en écorce de bouleau. Oh! à peu près çà de long. Sur 
le côté c'est à peu près çà de long et tout cousu aussi. Peut-être qu'ils 
l'ont trouvé. J'sais pas, peut-être." 

(Luc Nolin): "Un canot en écorce de bouleau, en plein là? On trouve 
beaucoup de morceaux d'écorce de bouleau à cet endroit. Et parfois il y a 
de gros morceaux et je pense que çà peut être des morceaux de vieux 
canots." 

(Hyacinthe Andre): " Peut-être..."